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Provoquer le changement

Avec Amélie Laframboise, conseillère politique, Est de Montréal et Transition industrielle au Cabinet de la mairesse et au Comité exécutif de la Ville de Montréal

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Amélie Laframboise et je travaille actuellement au cabinet de la mairesse Plante à la Ville de Montréal. J’ai occupé différentes fonctions au cabinet : du développement économique à la transition écologique et aux questions environnementales. Maintenant, mon nouveau défi, c’est l’Est de Montréal et la transition industrielle.

Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours, tant au niveau de l’engagement que dans les sphère professionnelle ?

J’ai une formation en administration, en comptabilité et une maîtrise en gestion de l’environnement. Avant de me joindre à l’équipe de la Ville, j’ai été pendant près de 20 ans à Fondaction, un fonds d’investissement de travailleuses et travailleurs québécois. Dans cette fonction, j’ai œuvré notamment dans le développement de nouveaux modèles d’investissement afin que la finance puisse servir à accélérer le déploiement de solutions liées aux enjeux sociaux et environnementaux. Ces innovations financières permettaient d’accroître les impacts positifs de Fondaction sur la société québécoise.

Est-ce que vous vous souvenez de votre première participation à une école de citoyenneté de l’INM ?

J’ai participé à Tribu en 2018 et 2019. Les Tribus, c’était deux jours durant lesquels se rassemblaient des acteurs de changement venant de différentes entreprises avec une vision d’avenir. C’était extrêmement important et puissant selon moi : rassembler ces personnes d’influence de plein de milieux différents pour réfléchir à des questions de société.

Tribu est arrivé relativement tard dans mon parcours professionnel. Ça faisait plusieurs années que j’étais à Fondaction et j’avais déjà un bon réseau de contacts. Toutefois, après Tribu, l’élan que ça m’a donné de rencontrer ce type de personnes clés et de se réunir tous ensemble a été bénéfique. Souvent, les acteurs de changement dans leur organisation respective sont pris dans les structures et ils poussent assez seuls vers des objectifs de transformation.

Évidemment, ce type de personne peut souvent sentir qu’il est dérangeant pour les autres. De mon côté, je vois la nécessité de changer nos pratiques dans le contexte de polycrises, dont la crise climatique. Dans ce cadre, Tribu était une idée extrêmement ressourçante en ce qui touche à notre capacité de se donner de l’ambition toutes et tous ensemble. Ça a été de vraiment belles expériences et j’ai gardé beaucoup de contacts avec les autres participantes et participants, dont plusieurs font encore partie de mon réseau à ce jour.

Quel est votre meilleur souvenir de vos participations aux activités de l’INM ?

J’en conserve un excellent souvenir. Cela m’a permis de clarifier le rôle que j’étais amenée à jouer dans mon organisation. Ce rôle dépassait mes fonctions, c’était une capacité de provoquer le changement, puis d’embarquer mes collègues et partenaires externes vers un but commun.

Encore aujourd’hui, j’organise quelques fois par année quelque chose qu’on a appelé des « partys de la révolution ». Le terme est un peu « fort », mais c’était né de l’idée de poursuivre le concept de Tribu dans lequel des acteurs de changements prenne des moments pour se réunir et créer des liens entre eux. C’est parfait parce que ce réseau vit maintenant par lui-même, plusieurs personnes du réseau organisent ces soirées sans que je doive en être l’initiatrice, j’en suis ravie. J’ai donc continué de porter cette mission, car c’est fondamental et nous avons besoin de créer ces liens.

Je crois beaucoup à la théorie du 3.5 %, qui dit que pour atteindre un changement social, avons besoin de 3.5 % d’une population qui est très mobilisée vers un même but et bien coordonnée entre eux. J’ai la conviction qu’en rassemblant ces gens-là, je contribue à mobiliser ce seuil critique dont on a besoin pour changer la société et dans tous les cas ça donne lieu à des moments sympathiques et inspirants.

Qu’est-ce que ça signifie, pour vous, avoir 20 ans ?

Avoir 20 ans aujourd’hui, je ne pense pas que ce soit évident, surtout quand on est lucide face aux enjeux climatiques et face à l’ampleur du changement que ça commande dans nos sociétés.

Je dois dire que ça me touche, principalement parce que je crois que ça va aller relativement vite, nos sociétés seront impactées sur beaucoup d’aspects. Je pense que les jeunes sont une clé importante et doivent pousser nos sociétés à accélérer leur transformation et nos modes de vie. Je crois beaucoup à un repartage du pouvoir. Il faudrait qu’on prenne un temps d’arrêt en se demandant qui a réellement de l’influence sur les décisions de société et comment fait-on pour donner beaucoup plus de capacité d’influence sur nos choix collectifs aux gens de 20 ans ?

C’est eux qui seront impactés par les décisions qu’on prend en ce moment. Plus on avance, plus on va voir les conséquences de ne pas avoir réussi à faire les choix imposés par la science. Avoir 20 ans, ça devrait être d’acquérir une capacité d’influence dans la société, place qui doit nous revenir. On les connaît, dans l’histoire, les moments où la jeunesse s’est levée et est venue prendre une place qui lui revenait au moment où nous en avions besoin. J’espère vraiment que la jeune génération va y arriver.

Qu’est-ce que vous souhaitez aux générations futures du Québec ?

Je pense que nous ne serons jamais complètement prêts à faire face aux changements qui s’en viennent et aux transformations, aux impacts sous toutes ses formes, sur l’approvisionnement en produits et en énergie, sur nos chaînes alimentaires et logistiques. Toutefois, je travaille, comme d’autres, à léguer une certaine capacité de résilience pour que nous soyons le mieux positionné pour y faire face.

Aussi, je suis convaincue que ce qui est le plus important, ce sont les liens sociaux. Il faut continuer à créer des communautés de gens à toutes les échelles. Je souhaite que tout le monde soit conscient de l’importance de créer une solidarité forte entre nous. Lorsque cela deviendra plus difficile, travailler tous ensemble en collaboration deviendra la chose la plus importante.

Je crois profondément que cette solidarité est réaliste dans notre société. Au Québec, on a des liens de proximité, nous sommes une plus petite société où nous sommes reliés avec peu de niveaux de séparation entre les individus. Nous sommes tous reliés entre nous à plus ou moins deux niveaux de séparation. Je suis convaincu que grâce à cette proximité, nous sommes capables de nous unir pour mettre en œuvre des changements qui sont plus difficiles à implanter ailleurs. Le Québec a, selon moi, la capacité de devenir un exemple pour le monde. À Montréal, nous le faisons. Par exemple, l’année dernière, nous avons annoncé la feuille de route en décarbonation complète des bâtiments du territoire de Montréal d’ici 2040.

Depuis, la mairesse a des témoignages provenant de multiples villes à l’international qui nous parlent de notre démarche qui les inspire et qui fonctionne et nous pouvons développer des collaborations avec eux. Donc, vraiment je suis convaincue qu’à l’échelle du Québec, nous avons cette capacité de penser différemment, de provoquer du changement, de définir des nouveaux modèles grâce à nos liens et à notre ADN d’innovation.

Donc, ce que je souhaite aux générations futures, c’est d’accélérer la transformation positive du Québec, de devenir un exemple inspirant pour le monde et de travailler en collaboration et à l’affût de ce qui se fait ailleurs pour s’en inspirer.

Qu’est-ce que vous souhaitez aux jeunes qui vont participer à la 20e édition de l’École d’été en septembre ?

J’aimerais leur souhaiter de l’ambition parce qu’il faut que tous les jeunes prennent leur place ! Je leur souhaite de ne pas se laisser trop influencer par les pensées dominantes : ce qui se fait, ce qui « ne se fait pas », ce qui est réaliste et ce qui « n’est pas réaliste ».

En fait, comme les enjeux sont tellement grands nous en sommes à un point où c’est beaucoup plus réaliste de proposer quelque chose de complètement différent plutôt que de proposer quelque chose de convenu, qui existe déjà et qui est du changement à la marge. Je leur souhaite donc de l’ambition et qu’ils et elles sachent à quel point on a besoin d’eux.

Photo de Valérie Dubuc

Façonner un monde plus juste, avancer ensemble, entretenir la flamme de la jeunesse. Dans le cadre des 20 ans de l’Institut du Nouveau Monde, nous avons demandé à 20 personnalités étant passées par les écoles de citoyenneté de l’INM de nous parler de leur parcours et de leur vision de la participation citoyenne. Quelle a été l’étincelle de leur engagement ? Qu’est-ce que ça signifie d’avoir 20 ans ? Que souhaiter aux générations futures ? À travers cette collection de portraits intimes et colorés, ils et elles nous racontent l’histoire d’un Québec pluriel et résolument tourné vers l’avenir.

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