Retour

S’ouvrir à la découverte

Avec Maude Léonard, professeure à l’ESG-UQAM et psychologue communautaire

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Mon nom est Maude Léonard, je suis psychologue communautaire et je suis professeure à l’École des sciences de la gestion de l’UQAM. Je me spécialise en gestion des entreprises sociales et collectives.

Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours, tant au niveau de l’engagement que dans les sphères politiques et professionnelles ?

J’ai fait des études en psychologie, puis je me suis dirigée aux études doctorales en psychologie communautaire. C’était important pour moi d’intervenir au niveau social, systémique, avec une plus large visée que les individus, même si ces derniers sont aussi importants dans le système.

Dans le cadre de mes études, j’étais très au fait des impacts des inégalités sociales sur les populations en situation de vulnérabilité et marginalisées. J’étais donc facilement interpellée par des activités qui pouvaient amener à la participation citoyenne ou à un engagement bénévole. Puis est apparue l’École d’été en 2005. C’est un peu tombé comme un cheveu sur la soupe !

Les ateliers proposés et les conférences m’ont vraiment interpellée, mais j’ai surtout été marquée par le parcours citoyen où on devait répondre à différentes problématiques.

Je m’étais investie dans la problématique de la surconsommation. Rencontrer des gens qui étaient vraiment concernés par les mêmes enjeux et qui s’intéressaient aussi à voir les choses changer, ça m’a marquée. Cela a été un moment d’étincelle dans mon parcours, qui était surtout académique, mais auquel je pouvais maintenant associer quelque chose de plus pratique, de plus proche du quotidien. Dans mon groupe, on avait pensé à une activité d’échange, de troc pour diminuer la production à la source de nouvelles choses, mais aussi d’augmenter la durée de vie des articles. Tout d’un coup, je suis arrivée au nom que porterait notre projet: Troc-tes-trucs ! Pour moi, ça a été le coup d’envoi de quelque chose qui pouvait se réaliser, qui n’était pas trop compliqué à mettre en place, qui était à notre portée. À la fin de l’École d’été, on devait présenter nos projets et ça a été reconnu comme un projet coup de cœur. On en est sorties en se disant « est-ce qu’on le fait ? ».

On ne pouvait pas avoir réfléchi à tout ça pendant une semaine, avoir vécu plein d’émotions et laisser tomber l’initiative. À ce moment-là, l’Institut du Nouveau Monde, en collaboration avec le Forum jeunesse de l’île de Montréal et Radio-Canada, avait lancé un concours pour offrir une bourse pour nos projets. Le concours permettait aussi de participer à des chroniques de l’émission Indicatif présent, qui était animée par Marie-France Bazzo à l’époque. On a gagné le concours et ça a vraiment été un coup de circuit ! La visibilité et aussi la crédibilité que ça nous a donné de participer à une émission de radio de grande écoute ont été d’une grande aide.

Pendant très longtemps, ma collègue Valérie Castonguay et moi ne faisions que ça de nos fins de semaines : penser à la suite de Troc-tes-trucs, régler ses différents défis. De fil en aiguille, on a pu avoir accès à un local et créer notre première activité en 2006. On ne s’attendait à rien, on arrêtait des gens dans la rue pour dire « il y a une activité bientôt, venez à notre activité ! », on allait porter des tracts dans les CPE. Quand même, on a eu 35 personnes lors de notre première activité, ça a été une réussite.

Après quelque temps, en 2010, on a pu fonder un vrai organisme à but non lucratif, car y avait de la demande. On nous demandait d’organiser une activité Troc-tes-trucs dans plusieurs communautés. Rapidement, notre modèle a pris racine partout au Québec et même en France. Cette expérience m’a permis de mettre en pratique des choses que je voyais pendant mes études au doctorat, mais que je ne pouvais pas faire dans le monde académique en tant que tel.

J’ai commencé de manière assez instinctive à manœuvrer et à gérer collectivement Troc-tes-Trucs. Nous avons passé à travers toutes les phases de son développement avec ses hauts et ses bas, des essais et des erreurs et bien des remises en question. J’ai toujours pris soin de bien m’entourer, d’aller chercher les ressources nécessaires pour faire avancer la mission de l’organisme. Ces expériences se consolidaient au rythme de mon emploi à Suicide Action Montréal, de mon engagement au Forum jeunesse de l’île de Montréal et de mon doctorat en psychologie communautaire.

Ce profil diversifié et du moins original aura su me mener vers le poste de professeure en gestion des entreprises sociales et collectives à l’ESG-UQAM que j’occupe depuis maintenant 9 ans. J’adore voir l’éveil chez les étudiantes et étudiants, collaborer dans des projets de recherche inspirants et continuer à m’engager dans ma collectivité.

Est-ce que vous vous souvenez de votre première participation à une École d’été de l’INM, quelle a été votre expérience ?

Je vous explique : un jour, j’ai remarqué qu’il y avait une activité annoncée sur les murs à l’UQÀM. Ça parlait de participation citoyenne et ça avait accroché mon œil, mais sans plus. Puis, j’ai vu une collègue qui passait dans le corridor et qui m’a dit : « Moi, je fais ça cette semaine : c’est vraiment pas cher et il y a plein d’activités, de conférences auxquelles assister ». Je me suis inscrite en me disant « au pire, j’aurai mon lunch fourni et si ça ne m’intéresse pas, j’irai faire autre chose ! ». Mais non, j’ai été complètement absorbée par la semaine que j’ai traversée à l’École d’été.

Mon ressenti était en plusieurs phases. Premièrement, « qu’est ce que c’est ? ». Je n’avais aucune idée de ce qu’était l’École d’été et j’y suis allée dans l’ouverture la plus complète, sans aucune attente. Puis, rapidement, ça a été des rencontres formidables. J’ai vécu une émotion nouvelle en me disant que je n’étais pas seule, qu’on était beaucoup à avoir les mêmes préoccupations, les mêmes envies, les mêmes aspirations.

Encore aujourd’hui, j’en garde cette expérience peut-être romancée. Ça fait partie de mon histoire. Pour moi, vraiment, ça a été une étincelle, quelque chose qui marque le début d’une aventure dont je ne me doutais pas.

Qu’est-ce que ça signifie, pour vous, avoir 20 ans ?

Je pense que peu importe l’époque, pour moi, c’est la rencontre entre les expériences accumulées tranquillement et encore l’émerveillement, la découverte et la rencontre de nouvelles possibilités. On a l’impression que tout est nouveau et qu’on est les premiers à réaliser certaines choses. C’est précieux.

Qu’est-ce que vous souhaitez aux générations futures du Québec ?

On lègue une dose d’espoir. J’ai une tendance quand même assez optimiste malgré tout. Ce n’est pas un optimisme complètement déconnecté de ce qui se passe, avec des œillères ! Mais je pense qu’on doit souhaiter à travers tout ce qui nous attend un peu de cette nécessaire légèreté.

Il se passe des choses importantes et on a besoin d’être préoccupés par ça. Par contre, il ne faut pas oublier que c’est ensemble qu’on va faire les changements et qu’on n’est pas responsable soi-même, seul, de les faire advenir. À travers cela, on peut s’engager dans des projets, dans des choses qui vont nous propulser, qui vont nous motiver, mais toujours avec cette légèreté et il faut avoir du plaisir à le faire.

Qu’est-ce que vous souhaitez aux jeunes qui vont participer à la 20e édition de l’École d’été en septembre ?

De ne pas avoir d’attentes, de se lancer avec justement toute cette ouverture à la découverte, aux nouvelles connaissances, aux nouvelles expériences, puis aux nouvelles rencontres. Je me dis que lorsqu’on n’a pas d’attentes, on est vraiment dans cette ouverture. Bon, moi, c’est comment je l’ai vécu ! Mais je leur souhaite de le vivre comme ça : de se laisser emporter par l’expérience.

Photo de Valérie Dubuc

Façonner un monde plus juste, avancer ensemble, entretenir la flamme de la jeunesse. Dans le cadre des 20 ans de l’Institut du Nouveau Monde, nous avons demandé à 20 personnalités étant passées par les écoles de citoyenneté de l’INM de nous parler de leur parcours et de leur vision de la participation citoyenne. Quelle a été l’étincelle de leur engagement ? Qu’est-ce que ça signifie d’avoir 20 ans ? Que souhaiter aux générations futures ? À travers cette collection de portraits intimes et colorés, ils et elles nous racontent l’histoire d’un Québec pluriel et résolument tourné vers l’avenir.

Avec le soutien de :