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S’obliger à rêver

Avec Sébastien Lemire, député d’Abitibi–Témiscamingue à la Chambre des communes du Canada

Pourriez-vous nous parler un peu de votre parcours, tant au niveau de l’engagement que dans les sphères politiques et professionnelles ?

Il faut dire que l’engagement fait partie de mon parcours. Je dirais même que mes implications, notamment tout ce que j’ai entrepris quand j’étais au niveau collégial et universitaire, m’ont conduit plus tard à représenter la population d’Abitibi–Témiscamingue. J’ai été très engagé dans les associations étudiantes et dans les partis politiques, tant en Abitibi–Témiscamingue qu’à Montréal. J’ai étudié en communication politique à l’université et à la fin de mes études j’ai eu la chance de travailler au Forum jeunesse de l’île de Montréal et à la Conférence régionale des élus comme agent de participation citoyenne. Tout ça témoigne du fait que l’engagement est au cœur de ce que je souhaite accomplir.

Est-ce que vous vous souvenez de votre première participation à une École d’été de l’INM ?

J’ai participé à la toute première édition de l’École d’été en 2004. J’avais organisé une délégation d’une quinzaine de jeunes d’Abitibi–Témiscamingue, avec trois petites vans qu’on avait louées. À ce moment-là, j’avais suivi le parcours « médias » centré sur la radio pour témoigner un peu de ce qu’avait été mon vécu de cette École d’été.

La formule de l’École, qui était à la fois innovatrice et qui, en même temps, était très concrète, était d’avoir des lieux de débats, d’échanges, de rencontrer des personnalités publiques qui font l’actualité et qu’on voyait à la télévision ou ailleurs, et avoir accès à elles, leur poser des questions. C’était quelque chose de forcément gagnant. Cette formule a d’ailleurs été reprise dans ma région pendant plusieurs années, avec un événement régional jeunesse. Au lieu de se déplacer pendant 6 à 7 heures vers Montréal, on a amené les personnalités, ces acteurs-là de changement à venir en Abitibi–Témiscamingue.

Quel est votre meilleur souvenir de vos participations aux activités de l’INM ?

Ce que j’en retire de plus précieux, c’est vraiment d’avoir vu comment l’enjeu de la participation citoyenne s’est fait connaître. Ça a l’air un peu banal aujourd’hui, mais si on revient au tournant des années 2000, c’était très novateur de dire que par l’engagement, le bénévolat, par une prise de position publique, il y avait un geste citoyen porteur, formateur, qui se développait. On réalisait que justement, ça valait la peine d’éduquer les gens à la citoyenneté.

Le Forum jeunesse de l’île de Montréal a joué un rôle important dans ce processus, mais ça s’est toujours fait en partenariat avec l’INM et vice versa. Sincèrement, il y a aussi eu des débats par moment sur la paternité de certaines initiatives, mais pour l’avoir vécu un peu des deux côtés, je pense que ça leur a permis de faire émerger beaucoup de réflexions sociales et surtout de pouvoir permettre à des jeunes talents de faire des essais et des erreurs. Ça les a amenés à simplement pouvoir se confronter, nommer leurs idées et vivre des expériences uniques.

Je pense que l’INM a été une belle école et je crois que ses initiatives sont encore plus nécessaires que jamais dans le monde d’aujourd’hui. C’est une forme de lutte contre la désinformation et aux fake news, ce partage d’idées et ce développement d’un esprit critique par le débat. Dans le système scolaire, on ne met pas assez l’accent sur l’éducation à la citoyenneté ou le rapport avec la société. Je pense donc qu’il y a une grande pertinence à refinancer ces initiatives-là pour leur donner les moyens de jouer ce rôle éducatif et formateur essentiel.

Quel impact croyez-vous que votre passage dans les Écoles de citoyenneté de l’INM a eu sur votre parcours ?

Bien sûr que ça a eu un impact ! Je me rappelle le premier passage que j’avais fait. J’avais participé au projet radio et pour moi qui avait l’idée de créer une émission d’affaires publiques pour rendre davantage les gens imputables de leur action était quelque chose d’important. Mais je me suis bien rendu compte que ce n’est pas si facile. Une fois que tu as le micro devant toi, il faut savoir dire les bonnes choses.

Aussi, en Abitibi–Témiscamingue, j’avais l’impression d’être parfois un des seuls jeunes engagés dans mon milieu, ce qui me permettait d’être président des jeunes du Parti québécois, du Bloc québécois et de mon association étudiante en même temps, puis être sur le Forum jeunesse comme administrateur à la Commission jeunesse municipale. Rendu à l’École d’été, être confronté à plusieurs jeunes qui sont des leaders dans leur milieu a été quelque chose de très gagnant, très rassembleur. Des belles amitiés qui se sont créées ces années-là sont encore présentes aujourd’hui.

Qu’est-ce que ça signifie, pour vous, avoir 20 ans ?

La question est intéressante du haut de mes 39 ans ! Il y a 20 ans, j’avais donc près de 20 ans. C’est sûr que c’est un moment où on a le sentiment que tout est possible. On ne ressent pas encore l’impact des désillusions à venir ou des cadres qui nous restreignent. À 20 ans, je pense que c’est important d’être idéaliste et assurément de remettre les choses en question, de ne pas se satisfaire d’un « non » face à nos aspirations.

Il y a quelque chose aussi qui m’a toujours un peu fâché, tant quand j’avais cet âge là qu’aujourd’hui : à quel point les jeunes ne réfléchissent pas à ce qu’ils veulent faire dans la vie et à leur avenir. Quel rôle veulent-ils jouer dans la société ? Moi, j’aime bien dire que j’avais deux rêves quand j’étais jeune : jouer dans la Ligue nationale de hockey ou être en politique. À la « shape » que j’ai, j’ai mis de côté le hockey. Mais cette optique là de vouloir faire de la politique a toujours fait partie de mes ambitions. Cette réflexion, je l’avais déjà comme adolescent. Je souhaite donc que la jeunesse cultive ce type de rêves à 20 ans et même avant.

C’est aussi un moment qui crée des réflexions identitaires, personnelles, collectives, nationales. Et c’est quelque chose de majeur dans le développement de notre personne. Donc, avoir 20 ans, je pense que c’est le souhait, l’obligation de rêver.

Qu’est-ce que vous souhaitez aux générations futures du Québec ?

Pour moi un enjeu central – ça l’était à l’époque et ça l’est encore aujourd’hui plus que jamais – c’est la question de l’indépendance du Québec. Ce qui est intéressant, c’est que je sentais un momentum très fort il y a 20 ans et je ressens que ce momentum se recrée aujourd’hui. Entre les deux, il y a eu un passage à vide. L’indépendance, c’est le fait d’avoir tous les leviers de prise de décision pour répondre à nos besoins et nos intérêts. Donc pour moi, le souhait, le legs, est évidemment celui de l’indépendance. Je pense aussi à l’enjeu de l’autonomie des régions, la décentralisation, la gouvernance régionale, de faire confiance aux gens sur le terrain. Enfin, je pense à l’éducation et à la santé. Ça devrait être des priorités dans toute société. Je suis de nature optimiste, alors j’espère qu’on saura relever tous ces défis collectivement.

Photo de Valérie Dubuc

Façonner un monde plus juste, avancer ensemble, entretenir la flamme de la jeunesse. Dans le cadre des 20 ans de l’Institut du Nouveau Monde, nous avons demandé à 20 personnalités étant passées par les écoles de citoyenneté de l’INM de nous parler de leur parcours et de leur vision de la participation citoyenne. Quelle a été l’étincelle de leur engagement ? Qu’est-ce que ça signifie d’avoir 20 ans ? Que souhaiter aux générations futures ? À travers cette collection de portraits intimes et colorés, ils et elles nous racontent l’histoire d’un Québec pluriel et résolument tourné vers l’avenir.

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