L’état du Québec 2024 | Quel avenir pour la démocratie ?
Décoloniser le musée pour ouvrir les esprits
Photo de Rémi Hermoso / Musée McCord Stewart
Anne Eschapasse
Présidente et cheffe de la direction du Musée McCord Stewart- Jonathan Lainey
Conservateur de la collection Cultures autochtones du Musée McCord Stewart Johanne Lamoureux
Professeure titulaire à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en muséologie citoyenne- Ghislain Picard
Chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador et président du conseil d’administration du Musée McCord Stewart
Entretien réalisé par Sandra Larochelle, codirectrice de L’état du Québec, et adapté par Lili Jacob, analyste-rédactrice à l’INM, et Josselyn Guillarmou, codirecteur de L’état du Québec. Ce texte est issu de la publication annuelle de l’INM, L’état du Québec 2024, publiée chez Somme Toute / Le Devoir.
Le récit du passé a largement été contrôlé et rédigé par des hommes occidentaux instruits, et de nombreuses institutions ont occulté les perspectives des populations marginalisées par l’histoire, dont celles des communautés autochtones. Mais que se passe-t-il lorsqu’une institution muséale décide de secouer ses pratiques et ses programmes pour reconstruire des ponts et raconter l’histoire autrement? Discussion sur la démarche de décolonisation du Musée McCord Stewart.
En juin 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada rendait publics 94 «appels à l’action» et recommandations pour favoriser la réconciliation entre les peuples autochtones et la population canadienne. Le fruit d’années de consultation, de mobilisation et de sensibilisation a ainsi donné l’élan nécessaire pour entamer un processus de dialogue et de concertation avec les peuples autochtones. Depuis, plusieurs institutions, organisations et communautés s’engagent activement dans un processus de décolonisation du patrimoine culturel canadien afin de reconnaître et de tenter de réparer plusieurs siècles d’invisibilisation, de dépossession et d’appropriation d’histoires et de cultures millénaires. À Montréal, le Musée McCord Stewart s’est engagé, depuis plus d’une décennie, dans une démarche de «décolonisa- tion» qui se révèle aussi novatrice et riche en enseignements que déstabilisante. Pour L’état du Québec 2024, plusieurs actrices et acteurs œuvrant en collaboration avec ce musée d’histoire sociale montréalaise, québécoise et canadienne fondé en 1921 partagent avec nous leur compréhension des concepts de décolonisation et d’autochtonisation, l’importance de ces processus et le rôle que peuvent jouer les musées à cet égard.
Comment définiriez-vous les concepts de décolonisation ou d’autochtonisation? Que représentent-ils pour vous, notamment dans un contexte muséal?
Jonathan Lainey : En écoutant différents intervenants et intervenantes qui se penchent sur ces questions, je comprends que les termes rattachés à l’un ou l’autre de ces processus semblent parfois interchangeables. Chose certaine, ce sont des mots-clés, des mots chargés, des mots importants. Par-dessus tout, ils sont le reflet d’une nécessité de faire de la place. Faire de la place aux populations marginalisées par l’Histoire et par les systèmes patriarcaux coloniaux qui forment notre société. Je pense aux communautés autochtones, mais aussi aux femmes ou aux communautés LGBTQ2S+. Le processus de décolonisation, ou d’autochtonisation, implique alors le fait d’écouter, de céder du pouvoir, de laisser des voix et des perspectives, parfois divergentes, s’exprimer.
Anne Eschapasse : La décolonisation est un cheminement personnel et de longue haleine. C’est un processus d’apprentissage, de remise en question et de prise en compte de biais conscients et inconscients, autour de la place accordée à certaines communautés dans notre société. Comme le dit très justement Jonathan, la décolonisation, c’est le fait de «céder la place» aux communautés qui n’ont généralement pas eu accès à cette reconnaissance dans l’espace public. En outre, au-delà de faire de la place, la décolonisation requiert une allocation de moyens, de ressources et de temps pour ces populations longtemps marginalisées. Dans le contexte social et muséal, ça peut passer par une plus grande visibilité dans des programmations ou des activités culturelles, mais également par un meilleur accès aux informations et aux objets dont les musées sont les dépositaires.
Ghislain Picard : Je suis plus à l’aise avec le terme de «décolonisation» qu’avec celui d’«autochtonisation». J’ai l’impression qu’à travers l’utilisation du second terme, on cherche une forme de pardon, alors que ce qu’il faut aller chercher, selon moi, c’est plutôt une reconnaissance sincère et respectueuse. En fait, la décolonisation est une démarche politique. C’est une démarche qui implique de reconnaître et de nommer les effets qu’ont eus l’impérialisme et les phénomènes de conquêtes coloniales, pour permettre à nos peuples autochtones de reprendre leur place, comme l’a si bien dit Jonathan. Dans cette reprise d’espace, la question de propriété me semble extrêmement importante. C’est-à-dire : comment nos communautés souhaitent-elles se donner la capacité de se réapproprier leurs objets sacrés et culturels qui sont présentement entre les mains de différentes institutions. En même temps, je dirais que la décolonisation, c’est aussi dans notre esprit. C’est une mission qui, ultimement, appartient entièrement aux peuples colonisés, parce que la colonisation fait partie de leur réalité. La démarche doit évidemment être comprise à travers leurs yeux, beaucoup plus qu’à travers la perspective d’États colonisateurs. Poursuivre une démarche de décolonisation demande ainsi une grande écoute, mais aussi des apprentissages, tant au niveau de la population qu’à travers les institutions.
Pourquoi ces démarches sont-elles importantes? À quels besoins répondent-elles?
Anne Eschapasse : Je crois qu’il s’agit d’une démarche humaniste. L’être humain a besoin de confiance, d’espoir et de considération, mais également de se sentir reconnu pour ses savoirs et ses compétences. La décolonisation implique de faire de la place aux communautés autochtones et de reconnaître les contributions qu’elles ont apportées au Canada. C’est une démarche fondamentale de « reconsidération» de populations marginalisées, à travers une relation équitable, respectueuse et sincère. Oui, il y a une dimension politique, comme le dit Ghislain, mais également une dimension profondément humaine, d’êtres humains à êtres humains.
Jonathan Lainey : Pour moi, en tant qu’Autochtone, ça me semble évident. C’est un combat de toujours. Quand on sort de notre petit monde, on constate que c’est un mouvement global. La démarche n’est pas spécifique au Musée McCord Stewart ni même au Canada! On le sait, l’Histoire, le récit du passé a été contrôlé et rédigé par des États occidentaux. Les populations marginalisées, qui reprennent la parole pour s’affirmer et exprimer leurs perspectives, s’inscrivent dans un mouvement international. Ce soulèvement des voix et la place qui leur est accordée lentement mais sûrement constituent un processus qui dérange et qui va continuer de déranger la société civile. Mais ce processus est légitime et nécessaire. Il a déjà pris des décennies à se construire. Ça va probablement prendre le même temps pour le déconstruire, puis pour bâtir quelque chose d’autre.
Johanne Lamoureux : La question de l’historiographie, évoquée par Jonathan, est très importante selon moi. On parle d’une violence langagière. C’est toute cette narration-là, d’une perspective dominante, qui est à déconstruire pour faire émerger d’autres récits. Cette violence se reflète aussi à travers la description des objets. Par exemple, on voit des artefacts être attribués à des catégories toutes formatées, alors que les termes employés pour les désigner n’existent pas dans la culture d’origine de ces objets. Pour accomplir ce travail de déconstruction, il faut s’assurer que le processus soit activé au niveau des institutions, dans leur philosophie et dans la représentation du personnel. C’est une démarche de déconstruction du patrimoine culturel qui s’avère complexe. Il faut investir du temps dans ce processus de décolonisation, oui, mais y faire face et s’y confronter, ça relève d’un impératif, d’une urgence.
Ghislain Picard : Ces démarches sont l’écho d’une résistance des peuples autochtones face aux États colonisateurs qui a toujours été présente, selon moi. Je pense entre autres aux premières représentations à l’international, il y a de ça un siècle, pour affirmer leurs droits. En 1923, devant la Société des Nations, Deskaheh, un représentant de la nation Cayuga, adressait deux principales demandes aux États membres: d’une part, respecter les traités signés avec les communautés et, d’autre part, reconnaître la légitimité des nations souveraines autochtones. Ce message a été très porteur. D’ailleurs, il y a des modes d’autogouvernance qui demeurent toujours en place aujourd’hui chez certaines nations, notamment du côté des confédérations iroquoises. Pour moi, c’est très significatif. Je pense que c’est ça qui me fait dire aujourd’hui que cette résistance-là n’a jamais vraiment été éteinte. Seulement, les forces coloniales ont été si pesantes à une certaine époque qu’il y a eu, je dirais, un repli du côté des nations autochtones. Ce qui a vraiment permis une renaissance de ces voix, c’est la déclaration de l’Organisation des Nations unies sur les droits des peuples autochtones adoptée par l’Assemblée générale en 2007, ainsi que toute la période qui a précédé cette adoption. Plus récemment, plusieurs mouvements sociaux ont renforcé et continuent de renforcer cette volonté d’assurer la place des peuples autochtones.
Plusieurs parlent d’un devoir d’écoute, d’apprentissage et de changement de perspectives. Comment l’art, l’Histoire et plus particulièrement les institutions muséales évoluent-ils dans ce contexte et contribuent-ils à ce processus?
Anne Eschapasse : La muséologie et le métier de muséologue évoluent positivement, animés par cet élan d’apprentissages et de dialogue. Le fait que le Musée McCord Stewart soit un musée privé facilite cette démarche: nous avons une certaine agilité pour faire preuve d’audace, d’innovation, pour prendre des risques. Nous pouvons commettre des erreurs, nous ajuster, réviser nos pratiques. Dans cet effort de décolonisation, un de nos rôles est d’offrir un accès, le plus large possible, au patrimoine culturel dont nous sommes les dépositaires. Ce patrimoine comprend tant des objets physiques que de l’information accumulée autour d’objets autochtones depuis plus d’un siècle. Le musée permet donc d’amplifier les voix, de partager l’autorité, de développer de nouvelles approches muséologiques, notamment par rapport à la structure et au rythme de travail. Il permet aussi de mettre en lumière la vitalité de la création autochtone contemporaine. Pour moi, les musées ne doivent pas être des lieux passéistes, mais bien une plateforme de rencontres et d’amplification de toutes les formes de création, qu’elles relèvent de la littérature, de la musique ou des arts visuels. L’organisation de l’exposition Voix autochtones d’aujourd’hui, réalisée sous l’impulsion et la direction de la chercheuse et professeure Élisabeth Kaine, est un exemple significatif de cette démarche de questionnement et d’apprentissage pour l’équipe du musée. Ses huit années de consultations menées auprès de onze nations autochtones au Québec afin de bâtir des liens de confiance et de recueillir des témoignages, puis la sélection des objets et leur mise en espace ont profondément bousculé la façon dont le musée était habitué à opérer. L’impact de cette exposition sur le public est éloquent. Les visiteuses et visiteurs en sortent profondément émus, touchés. C’est une exposition qui brasse et qui rassemble à la fois. La grande force des musées est de pouvoir, grâce au registre de l’émotion et des sensations, ouvrir des portes vers la découverte d’autres cultures : au contact avec des œuvres, je ressens, je pense, je m’enrichis, je m’ouvre… et peut-être cela me conduira-t-il à agir.
Jonathan Lainey : Je perçois aussi la contribution importante de la muséologie dans le changement de perspectives et dans les apprentissages de la société. Le fait que le musée soit une entité privée et non une institution nationale, ça change tout, comme le souligne Anne. Parce qu’on peut se permettre d’être plus audacieux dans nos approches, on bénéficie de beaucoup de crédibilité et de reconnaissance auprès de nos pairs, de nos partenaires et auprès des communautés autochtones. Par exemple, dans l’exposition permanente, tous les textes sont écrits au «nous»: ce sont les Autochtones qui s’adressent aux visiteurs, la voix du Musée étant mise de côté. Tous les objets ont également été sélectionnés par le conservateur innu Jean St-Onge selon une approche autochtone de relation avec les objets, «l’autorité muséale» étant mise de côté encore une fois. Mais ça ne veut pas dire que la démarche est gagnée. Il n’existe pas de formule magique qu’on peut appliquer d’une institution à l’autre. C’est un combat de tous les instants… Il faut constamment se questionner sur la cohérence de nos gestes et de leur portée. D’ailleurs, on ressent que le public, notamment le public jeune, est de plus en plus à l’affût et curieux de ce qui se passe autour du contexte de la décolonisation. Nos publics osent nous questionner de manière critique, entamer une discussion. Ça peut parfois être déstabilisant, notamment pour moi, dans mon rôle de conservateur au sein d’une institution coloniale, de répondre à tous les questionnements, mais ça fait partie du processus dans lequel on s’est engagés. On veut provoquer cet échange, même. On est ouverts à ces messages.
Ghislain Picard : Je crois que c’est important d’insister sur l’idée d’évolution. On parle d’une évolution dans les mentalités qui est à encourager. Je crois que le dépôt du rapport de la Commission de vérité et réconciliation a un peu donné le signal. Il fallait que les choses changent. C’est un long processus, mais je pense qu’il y a déjà des avancées pour atteindre cet objectif. Quand je regarde le Musée McCord Stewart, je vois entre autres la présence de Jonathan à titre de conservateur Cultures autochtones, ou encore, la mise en place, en 2021, d’un comité consultatif autochtone permanent, entièrement composé de représentantes et représentants autochtones. Il y a également une évolution qui s’opère dans l’approche de la muséologie, pour la rendre plus attrayante et accessible. Ça passe beaucoup par l’innovation. Je pense au succès de l’exposition permanente Voix autochtones d’aujourd’hui, aux manières dont les sujets sont abordés et présentés… C’est une belle manière, pour les jeunes entre autres, de découvrir de nouvelles perspectives sur le récit historique. Pour moi, c’est un exemple marquant de l’évolution du contexte muséal.
Johanne Lamoureux : En tant qu’universitaire, mes recherches ont porté durant plusieurs années sur les rapports de l’œuvre et du lieu. C’est ce qui m’a amenée à travailler avec les musées. Au moment où j’ai commencé à m’intéresser à leurs collections, ce n’était plus possible d’y réfléchir sans se poser la question de la décolonisation. J’ai travaillé quelques années en Europe, plus particulièrement en France, et j’ai compris que la question de la décolonisation y était beaucoup moins présente qu’ici. J’ai alors mis en place un projet de recherche partenarial avec les musées, pour continuer de réfléchir sur ce qu’on appelle « les nouveaux usages des collections ». L’objectif est de prendre acte du rôle que la décolonisation joue au sein des institutions muséales avec la reconnaissance du fait que les musées ont déjà, à cet égard, une longueur d’avance sur les universités. Cela s’explique probablement par le fait qu’ils sont, d’une certaine manière, les gardiens d’une culture matérielle. Dans ce partenariat, afin de faire avancer la recherche et le partage de connaissances, il est extrêmement important de travailler avec des conservateurs de musée et de prendre acte du processus de décolonisation.
Faites-vous face à des défis plus particuliers dans ce processus aux dimensions multiples?
Jonathan Lainey : Actuellement, mon défi principal est de trouver des interlocutrices et interlocuteurs autochtones qui sont prêts à collaborer avec nous. Les gens sont très occupés, les administrations autochtones ont beaucoup de responsabilités et sont très sollicitées. Les enjeux économiques et sociaux qu’elles doivent gérer sont beaucoup plus importants… Alors quand je les appelle, évidemment, je suis en bas de leur liste de priorités. C’est dommage parce que j’aimerais pousser la collaboration plus loin et aller jusqu’à une cocréation. Cette étape à franchir est importante, parce que les musées sont des institutions qui sont, du point de vue du public et des communautés autochtones, un peu opaques, un peu intimidantes. Les plus belles pièces de la culture matérielle autochtone sont dans les musées… On témoigne, en quelque sorte, de leur dépossession. Il y a donc une méfiance, depuis toujours, envers ces institutions. Notre travail et nos réflexions se doivent dès lors d’être constamment remis en question, documentés et justifiés.
Johanne Lamoureux : Parlant d’enjeux sociaux, je crois qu’il est important de mentionner qu’au-delà des mesures recommandées pour décoloniser les musées, il ne faut pas laisser cette démarche devenir un nouvel habillage obstruant les transformations sociales qui font, elles aussi, partie du processus de décolonisation de la société. Un redéploiement des collections, qui donne enfin une juste visibilité à l’art autochtone dans les salles d’un musée, peut exiger des financements substantiels de plusieurs millions de dollars, si l’on pense au remarquable redéploiement des arts canadiens et autochtones réalisé au Musée des beaux-arts du Canada en 2017, dans la foulée du 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Il faut espérer que ces millions ne nous endorment pas quant à la réalité de mobiliser aussi les fonds nécessaires pour s’attaquer à certains enjeux sociaux, au sein des communautés autochtones, comme celui de l’accès à l’eau potable. Puis, je soulignerais un autre défi pour les musées, cette fois-ci relatif à la provenance de leurs collections. Les musées ont l’obligation de rendre public ce qu’ils ont en leur possession. Mais, une des réalités qu’on ne soupçonne pas, c’est à quel point les musées sont parfois ignorants de la provenance de leurs collections et de toute la chaîne de propriétaires qui a mené l’objet à se retrouver parmi leurs collections. Chaque musée qui travaille au sein de notre groupe de recherche détient un ensemble d’œuvres dites «orphelines». Retracer le parcours des collections, ce n’est pas toujours facile. Ce sont de longues enquêtes à faire. Dans un contexte où la main-d’œuvre se fait plus rare, ce travail devient un frein important à la réappropriation du patrimoine.
Anne Eschapasse : Le manque de ressources, notamment au niveau de la gestion des collections et de l’action culturelle, éducative et communautaire, est effectivement un obstacle à notre devoir de partage d’informations et d’accès à ce patrimoine matériel. D’ailleurs, ce qui me fait beaucoup réfléchir depuis quelques années, c’est la formation aux métiers des musées. Dans notre plan stratégique, le recrutement de gestionnaires culturels est une de nos priorités. En pratique, et ce, malgré nos efforts pour attirer des candidates et candidats, le taux de succès est extrêmement bas. Je me l’explique, tout d’abord, par une méconnaissance des formations et des professions de la muséologie ou plus largement des métiers de la culture ; il manque un maillon pour pouvoir attirer de jeunes gens issus des communautés autochtones historiquement marginalisées qui ne connaissent pas forcément ces formations et professions, n’y sont pas intéressés ou n’y ont pas accès. Il y a donc un travail très important à faire pour former la relève professionnelle aux métiers de la culture, parce qu’on ne peut pas se dire engagé dans un processus de décolonisation si on ne se préoccupe pas de transmettre la responsabilité de préserver, de documenter et de diffuser le patrimoine culturel. C’est un défi sur lequel j’aimerais travailler avec des partenaires.
Ghislain Picard : Je rejoins Jonathan sur le fait que les communautés sont prises avec d’énormes défis, sur plusieurs autres fronts. Ce qui relègue peut-être la question du musée et de sa mission à une échelle beaucoup moins prioritaire. Ceci étant dit, je pense qu’on doit aussi trouver une façon d’élargir la collaboration entre les peuples autochtones et le reste de la population. Pour ce faire, il faut trouver une façon de naviguer dans cette relation où, d’une part, la société non autochtone veut se déculpabiliser, mais d’autre part, la société autochtone souhaite tourner la page sur la victimisation. Je pense que ce sont des volontés et des défis honorables, et lorsqu’on aura atteint cette zone de confort, on pourra se permettre de l’innovation et de l’audace.