La démocratie en quarantaine?
Lettre publiée originalement dans Le Devoir.
MONTRÉAL, le 28 mars 2020 – En quelques jours, la COVID-19 a bouleversé la façon dont nous vivons, dont nous travaillons et dont nous socialisons. Notre économie, basée sur l’échange et sur la proximité, est frappée très durement par les conséquences de cette pandémie. On commence déjà à mesurer les effets de cette crise sanitaire sans précédent sur l’expression citoyenne et sur la démocratie : les travaux des parlements, les assemblées publiques et les consultations citoyennes sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.
Notre démocratie s’est bâtie grâce à des impulsions citoyennes, qui sont au centre de la vie politique et qui ont donné une forme à notre gouvernement, à nos lois et à nos programmes sociaux. Au Québec, nous valorisons la participation citoyenne depuis longtemps et en 2020, plus aucune politique publique ou grand projet ne peut se permettre de faire l’économie d’une consultation.
La crise actuelle nous rappelle toutefois que la démocratie et la participation publique ne peuvent être tenues pour acquises. La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a annoncé la semaine dernière le report de toutes les consultations publiques prévues sur le territoire de la ville. Quelques jours plus tard, la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, a demandé à toutes les municipalités du Québec de reporter les consultations prévues nécessitant la présence physique de citoyennes et de citoyens afin de limiter la propagation de la COVID-19. En même temps, le gouvernement du Canada mène présentement une consultation publique passant inaperçue dont l’objectif est d’éliminer les évaluations environnementales exigées pour les forages exploratoires à l’est de Terre-Neuve-et-Labrador.
Tout cela n’est pas surprenant dans les circonstances, mais nous avouons bien candidement ne jamais avoir anticipé les effets qu’aurait une telle pandémie sur notre démocratie. Imaginez six, douze, dix-huit mois sans débat!
La COVID-19 constitue non seulement un danger pour la santé de la population, elle pose également un risque pour la santé démocratique et pour la culture de délibération du Québec.
Au-delà du défi colossal de santé publique, la situation qui prévaut aujourd’hui aura des effets sociaux et économiques sur des centaines de milliers de Québécoises et de Québécois, sur les entreprises et les organisations de la société civile, mais aussi, comme nous en prenons de plus en plus la mesure, sur la capacité des individus et des groupes à éclairer les choix politiques. Il y a fort à parier que ces conséquences seront ressenties bien au-delà de la crise actuelle.
Contraints de nous réinventer
La réponse collective aux nombreux ressacs que nous commençons tout juste à appréhender doit donner une place à la voix citoyenne, à l’écoute et au partage. Le gouvernement aura besoin de s’appuyer sur une diversité de perspectives pour passer à travers la crise et pour assurer une reprise durable, en allant au-delà des moyens de consultation traditionnels à sa disposition.
Le défi est considérable, car bien que la participation numérique ou en ligne prenne de l’ampleur, elle génère rarement dans ses usages actuels autant de valeur que les rencontres en personne. Cela ne doit pas nous empêcher d’expérimenter et d’utiliser le numérique, qui a encore des potentiels inexplorés et l’énorme avantage de permettre l’échange et la délibération à distance. Soyons imaginatifs, recourrons aux technologies, mais sans perdre la parole des moins connectés, des moins lettrés et de toutes ces personnes qui sont les plus susceptibles de subir l’isolement et les contrecoups de la crise sanitaire dans laquelle nous sommes ensemble plongés. Ces voix doivent être entendues, maintenant plus que jamais.
Jusqu’à présent, la réponse du gouvernement du Québec est parfaitement à la hauteur. La population suit les mots d’ordre du trio Legault-Arruda-McCann. Nous encourageons tous les acteurs politiques, et en particulier le premier ministre François Legault et la ministre responsable des Institutions démocratiques, de la Réforme électorale et de l’Accès à l’information Sonia LeBel, à prendre la mesure du défi démocratique qui nous guette. Il faut ensemble affronter ce tournant important dans la manière dont nous prenons part aux débats démocratiques.
Cette crise est l’occasion de nous distinguer, de faire la démonstration de la qualité et des bénéfices du dialogue social au Québec. Plus que jamais, nous avons besoin de miser sur la participation publique, afin que les citoyennes et citoyens puissent contribuer aux décisions collectives.
L’INM s’engage à travailler dans ce sens.
Julie Caron-Malenfant, directrice générale
Michel Cossette, président du conseil d’administration
au nom de toute l’équipe de l’INM
Renseignements
Mathieu Arsenault, conseiller principal et coordonnateur, communications et relations de presse
INM
mathieu.arsenault@inm.qc.ca | Cell. : 514 602-3747