L’état du Québec 2024 | Quel avenir pour la démocratie ?

Elles ont défoncé des portes

Entretien réalisé par Josselyn Guillarmou et Sandra Larochelle, codirecteur et codirectrice de L’état du Québec.

Photo : Kevin Boisvert, CC BY 2.0
  • Kateri Champagne Jourdain
    Députée de Duplessis depuis 2022 (Coalition avenir Québec),
    Ministre de l’Emploi et Ministre responsable de la région
    de la Côte-Nord depuis 2022
  • Marlene Jennings, C.P.
    Députée de Notre-Dame-de-Grâce–Lachine de 1997 à 2011
    (Parti libéral du Canada), avocate à la retraite
  • Agnès Maltais
    Députée de Taschereau de 1998 à 2018 (Parti québécois), Ministre de la Culture et des Communications de 1998 à 2001, Ministre déléguée à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse de 2001 à 2002, Ministre déléguée à l’Emploi de 2002 à 2003, Ministre responsable de la Condition féminine, Ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale et Ministre du Travail de 2012 à 2014
  • Manon Massé
    Députée de Sainte-Marie–Saint-Jacques depuis 2014 (Québec solidaire) et co-porte-parole de Québec solidaire de 2017 à 2023

  • Francine Ruest-Jutras
    Mairesse de Drummondville de 1987 à 2013 et présidente de l’Union des municipalités du Québec de 2002 à 2004
Ce texte est issu la publication annuelle de l’INM, L’état du Québec 2024, publiée chez Somme Toute / Le Devoir.

Nous avons réuni cinq pionnières et « premières » en politique du fait de leurs identités et de leurs combats, et ce, à différents paliers gouvernementaux et au sein de différents partis politiques. Ces femmes nous parlent de leurs modèles, de représentations, d’entraide, d’avancées et de ce qu’il reste à faire pour la défense des intérêts féministes et intersectionnels au Québec et ailleurs dans le monde.

Le 14 décembre 1961, Marie-Claire Kirkland devenait la première femme élue à l’Assemblée législative du Québec, un peu plus de 20 ans après l’adoption de la Loi accordant aux femmes le droit de vote et d’éligibilité. Rapidement nommée ministre, elle porte une importante réforme mettant fin à l’incapacité juridique des femmes mariées, qui peuvent désormais exercer une profession, gérer leurs propres biens, intenter des actions en justice et conclure des contrats. Comme d’autres avant et après elle, Marie-Claire Kirkland a été une pionnière de l’émancipation des femmes en politique québécoise et un symbole des luttes féministes au Canada. Et le combat était loin d’être terminé…

Pour L’état du Québec 2024, nous avons réuni la première femme autochtone élue à l’Assemblée nationale du Québec et première Autochtone à accéder au Conseil des ministres du Québec, la première femme québécoise noire à être élue au Parlement du Canada, la première femme à se revendiquer homosexuelle à l’Assemblée nationale du Québec, la première femme ouvertement lesbienne à briguer le poste de première ministre du Québec et la première présidente de l’Union des municipalités du Québec. Quel a été leur parcours ? Quelle posture ont-elles adoptée dans un milieu dominé par les hommes ? Que reste-t-il à faire pour la représentation des femmes et de différents groupes minoritaires en politique ?

Dans quel contexte social et politique êtes-vous entrées en politique ?

Marlene Jennings : Ma première implication en politique date du début des années 1970, lorsque je suis devenue officiellement sympathisante du Parti communiste du Canada marxiste-léniniste ! Mes parents se cognaient la tête contre les murs. Moi, leur fille, je me promenais dans la rue avec le Petit livre rouge des citations de Mao… J’ai quitté le parti avant la fin des années 1970 et, à partir de là, je n’ai plus fait de politique. Je suis retournée aux études à la mi-trentaine pour devenir avocate. Après mon assermentation, le gouvernement de l’époque m’a approchée pour me nommer « première femme non francophone et non blanche » à devenir membre de la Commission de police du Québec. C’est comme ça que je suis devenue experte du contrôle indépendant civil sur les forces de l’ordre. J’y ai aussi fait beaucoup de rencontres, dont celle d’une membre de la Commission des femmes du Parti libéral du Canada (PLC). C’est elle qui a recommandé à la présidente de l’époque, Françoise Patry, de me recruter pour les élections fédérales de 1997. Quand elles m’ont approchée, j’ai d’abord dit que je n’étais pas intéressée. Moi, je voulais devenir juge. C’est ma famille qui m’a convaincue. J’ai adoré cette profession. J’ai tellement appris avec les autres élus au fédéral, mais aussi au municipal et au provincial, et c’est grâce à ces rencontres que j’ai vraiment compris que j’étais Québécoise…

Kateri Champagne Jourdain : Pour ma part, je suis Innue du côté de mon père et Québécoise du côté de ma mère. Je viens de la communauté de Uashat mak Mani-utenam, à côté de Sept-Îles, sur la Côte-Nord, où j’ai eu la chance de grandir. J’ai quitté ma communauté le temps de faire des études au cégep et à l’université, et j’ai décidé d’y revenir une fois diplômée pour m’y installer et y faire ma vie. C’est là qu’est né mon désir de travailler sur le vivre-ensemble et de créer des ponts entre les nations. Après un diplôme en communication sociale, j’ai voulu faire du terrain et j’ai commencé à oeuvrer au conseil de bande de ma communauté. On a beaucoup travaillé pour mettre en place un secteur des communications qui travaillait étroitement avec l’équipe des négociations territoriales pour réparer le passé et conclure des ententes avec les minières installées sur la Côte-Nord. Ensuite, une opportunité de travail m’a amenée dans le milieu des ressources naturelles. J’y ai découvert un monde de passionnés, en pleine transformation. Et puis je suis revenue dans ma communauté pour prendre la direction générale des Galeries Montagnaises à Sept-Îles, le premier centre commercial bâti et opéré par une communauté autochtone au Canada. J’ai eu la chance de participer à la pérennité de la plus vieille entreprise de notre communauté, un projet mené en partie par mon père, Walter Jourdain, qui portait le dossier du développement économique lors de son passage en politique. Mon saut en politique s’est fait après une réflexion sérieuse, en juin 2022. J’avais déjà eu plusieurs propositions, mais je les avais toutes déclinées. Cette fois, les astres étaient alignés, tant dans ma vie professionnelle que personnelle. Je savais aussi qu’avec François Legault et toute l’équipe, je pourrais faire avancer les dossiers qui me tiennent à coeur, entre autres ceux qui concernent ma région.

Agnès Maltais : Je suis officiellement entrée en politique en 1998. Je venais de vivre le référendum de 1995 pour la souveraineté du Québec dans lequel j’avais été extrêmement impliquée. On peut dire que j’étais une militante de la base. Avant ça, j’avais navigué dans le monde artistique pendant près de 20 ans. À l’époque, les artistes étaient très engagés dans le milieu politique, et pas seulement pour l’indépendance du Québec. J’étais aussi une militante féministe depuis longtemps. Quand j’avais 18 ans, les gens appelaient ma camionnette rouge « la camionne » et on y posait des haut-parleurs pour scander des slogans dans les manifestations. On menait des batailles pour le droit à l’avortement. Il y avait pas mal de lesbiennes dans l’organisation, faut dire qu’on était très impliquées dans les mouvements féministes. Pour moi, l’engagement était naturel, ça vient de ma famille (père député et maire, mère mairesse et préfète) et c’est le chemin qui m’a conduit en politique. J’avais évidemment de grands modèles. Je pense à la ministre Lise Payette (Parti québécois) qui venait du monde des arts et des communications. Je pense aussi à Lise Bacon (Parti libéral du Québec) qui est une femme qui n’avait aucun rapport idéologique avec moi. On l’oublie au Québec, mais elle avait un énorme pouvoir en tant que première femme à être vice-première ministre du Québec. À la suite de mon élection, j’ai été nommée ministre immédiatement et puis j’ai navigué à travers différents ministères et différentes responsabilités jusqu’en 2018.

Francine Ruest-Jutras : Je suis arrivée en politique municipale un peu par hasard. La politique municipale, ça ne m’intéressait pas. Je pensais que les vraies affaires, ça se passait au niveau provincial. À l’époque, j’étais engagée au Parti québécois. Jacques Léonard, qui était ministre des Affaires municipales et avait fait adopter la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, m’a demandé de présider un des comités consultatifs chargés de mettre en place les municipalités régionales de comté (MRC). Cela m’a donné l’occasion de travailler sur un territoire qui couvrait Drummond, Arthabaska, Nicolet-Yamaska, Bécancour et la MRC de L’Érable. Ce qui me plaisait, c’est que dans cette démarche, on parlait de « planifier notre développement ». Cela a été pour moi une révélation. Lorsque les élections de 1983 sont arrivées, j’ai décidé de me présenter comme conseillère. Il n’y avait jamais eu de candidature féminine auparavant à Drummondville. C’était un monde d’hommes. J’ai été élue à la majorité absolue. Cela voulait donc dire que les citoyennes et les citoyens étaient prêts à élire des femmes et qu’il fallait les inciter à se présenter. Mon mandat comme conseillère s’est bien passé au début, mais à la fin, je me suis retrouvée seule dans l’opposition. J’ai eu un choix à faire : soit je rentrais chez moi et je faisais autre chose, soit je me présentais à la mairie. J’ai décidé d’aller à la mairie. J’ai été élue et j’ai adoré ce que j’ai fait à ce poste pendant 26 ans.

Manon Massé : Mon entrée en politique était clairement un accident de parcours. Moi, je suis une activiste, une femme qui, depuis toujours, s’est engagée à transformer la société par l’action collective, par l’éducation populaire et par l’organisation communautaire. Je suis arrivée en politique à la suite de l’organisation de La marche du pain et des roses de 19951. Mais le déclic s’est particulièrement fait dans le temps de la Marche mondiale des femmes en 2000. En fait, je me suis rendu compte que durant toutes mes années d’activisme, chaque fois que je revendiquais des droits, soit pour les minorités, pour les femmes, pour la justice sociale, la justice culturelle, etc., j’avais toujours la tête tournée vers le gouvernement du Québec. Si on voulait vraiment éliminer la pauvreté et les violences faites aux femmes, alors il fallait mettre sur pied un nouveau parti politique parce que les partis qui existaient ne répondaient plus à mes aspirations. Et c’est ainsi qu’est né Québec solidaire (QS). À ce moment-là, mon objectif était de faire élire Françoise David, ma compagne de lutte depuis quelques années. Françoise, elle était bonne, c’était elle qui allait nous représenter. Je n’ai jamais pensé que j’allais convoiter un poste de députée. En février 2006, on venait à peine de fonder QS et une élection partielle a été déclenchée dans Saint-Marie–Saint-Jacques. Je ne pouvais pas croire qu’on allait présenter un homme comme première personne candidate à une élection de ce nouveau parti. J’avais mis tous mes efforts pour créer un outil féministe, environnementaliste, de gauche… J’étais tellement têtue, mais c’était pas facile de trouver des femmes pour se présenter. Alors, ma chum Françoise David m’a dit : « Écoute, Manon, si tu y tiens vraiment, ça veut dire qu’il va falloir que tu te présentes. » Ça a pris cinq fois avant que je me fasse élire, mais je suis revenue en 2007, en 2008, en 2012 et en 2016, parce que j’avais la conviction que je pouvais apporter une vision différente.

Sous la direction de Josselyn Guillarmou et Sandra Larochelle

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Vous avez des parcours un peu différents, mais plusieurs parlent de « hasard », « d’accident », vous dites que vous n’étiez initialement « pas intéressées » ou que vous avez hésité avant de vous lancer en politique. Ce qui vous unit également, c’est que vous vous êtes retrouvées dans un milieu d’hommes où vous étiez les seules femmes, mais aussi la seule femme noire, la seule femme ouvertement lesbienne, la seule femme autochtone. Quelle posture avez-vous adoptée dans ce contexte-là ?

Agnès Maltais : Je pense qu’on a toutes eu une posture très volontaire. C’est par volontariat que les femmes y sont arrivées. On a toutes été des « premières », mais pour s’imposer, il a fallu donner un coup de collier. Je me rappelle, en 1994, avoir fait toute une histoire au PQ parce qu’on s’était rendu compte que le parti ne présentait que des hommes universitaires de 60 ans et plus, un modèle classique qui nous excluait. Alors, avec une dizaine de femmes, on s’est réunies un soir dans un bar, on a pris une bière, et on a décidé qui allait se présenter dans la gang. Comme j’étais une grande gueule habituée à parler au nom de groupes, avec une certaine notoriété comme femme de théâtre, on a convenu que ce serait moi qui me présenterais. J’ai perdu cette investiture, mais gagné la suivante.

Manon Massé : C’est un peu ce qui s’est passé pour moi aussi, le geste de volontariat dont parle Agnès. On ne trouvait pas de femme qui voulait se présenter, alors j’y suis allée. Même chose quand je suis devenue co-porte-parole de QS. Françoise David a pris la sage décision de se retirer en 2017 au lieu de « casser », comme elle a dit. J’étais la seule autre femme élue du parti, alors j’ai pris l’intérim. On le sait, les femmes ont un engagement millénaire pour leurs communautés et leur environnement proche. On est aussi porteuses de visions, mais le milieu politique n’a pas souvent pris la peine d’écouter ce que les femmes ont à dire. Quand je parle autour de moi, j’ai beau être dans un parti féministe, des fois je vois qu’ils ont du mal à comprendre qui je suis, ma vision, mon utopie. Moi, j’opère avec mon intelligence intuitive et je me suis affirmée telle que je suis. Évidemment, ma moustache a dérangé, mais elle m’a permis d’avoir mon moment d’affirmation. Au départ, les médias n’en parlaient pas ouvertement parce qu’ils ne savaient pas quoi faire avec ça. Sur les réseaux sociaux, on disait que je ne savais pas ce que c’était qu’une esthéticienne… Il a fallu qu’une journaliste courageuse, Judith Lussier, me pose vraiment la question2. Ça a été pour moi l’occasion de faire un statement politique : j’ai une moustache et je l’assume. Ça fait 30 ans que je travaille avec les femmes, que je leur dis qu’elles sont belles comme elles sont et c’est pas vrai que je vais changer parce que je fais de la politique. Après ça, j’ai senti que quelque chose avait changé.

Kateri Champagne Jourdain : Je viens d’une communauté innue dont l’évolution s’est faite en grande partie par un mode de vie nomade où les femmes occupaient une place centrale dans l’organisation sociétaire. Pourtant, quand le système politique autochtone actuel s’est mis en place, il a été influencé par ce qui existait au fédéral et au provincial, et les responsabilités politiques revenaient davantage aux hommes. Quand j’ai commencé à travailler au sein de mon conseil de bande, j’ai vite compris que je devais être solide dans mes positions. En fait, je pense que tout mon parcours m’a préparé à conserver cette posture-là. Quand j’ai intégré différents conseils d’administration, dont ceux du Mouvement Desjardins et de la Chambre de commerce de Sept-Îles, je me suis retrouvée sans modèle identitaire en quelque sorte devant moi et je pense que c’est ce qui me motivait. Je me disais : « On devrait être là pour influencer, pour faire connaître et comprendre nos réalités, pour amener des changements positifs dans la société ! » Je me suis donc toujours impliquée avec une attitude constructive et rassembleuse, assise autour de la table avec les autres. C’est essentiel d’avoir cette attitude pour faire changer les choses, pour guérir les blessures du passé et pour préparer le futur. Parmi les femmes autochtones influentes, il y a des militantes, il y en a qui travaillent à la transmission et à la préservation de nos cultures, il y a celles qui vont aller vers l’enseignement, la santé et les services sociaux, et peu importe la voie empruntée, peu importe la forme de leur engagement, elles ont toutes un apport significatif. Dans mon cas, c’est par la politique et le développement économique que j’ai choisi d’apporter du changement.

Francine Ruest-Jutras : Quand je me suis présentée à la mairie en 1987, le conseil était très politisé, très partisan. Mon adversaire avait décidé de former un parti politique municipal. Moi, je voulais dépolitiser tout ça. J’avais une image de péquiste portée surtout sur la culture, mon adversaire était un libéral notoire qui venait du milieu des affaires. Alors je suis allée chercher un agent officiel qui était un homme d’affaires prospère pour envoyer le message que je pouvais gérer efficacement une ville. J’ai constitué une équipe très diversifiée avec des gens de tous les milieux, ce qui permettait de ratisser très large. J’avais même recruté le président des jeunes libéraux. Ç’a été une grosse campagne. J’ai présenté un programme solide et les gens m’ont fait confiance. Ensemble, on a changé l’image de Drummondville et effectué un virage économique extraordinaire qui a été maintes fois cité en exemple.

Marlene Jennings : Dans le contexte qui a été le nôtre, je pense qu’organiser notre propre système a été décisif. On ne pouvait pas compter sur ce qui existait. Dans mon cas, plusieurs dirigeants du PLC avaient décidé que j’allais être candidate à Saint-Lambert et que le premier ministre Jean Chrétien allait me nommer. Moi, toute mon implication communautaire s’était faite à Montréal, et notamment à Notre-Dame-de-Grâce. Alors, quand la circonscription s’est libérée, c’est là que j’ai voulu me présenter. Mais ça ne faisait pas l’affaire du parti qui ne voulait plus me nommer… Certes, ils voulaient présenter une femme, mais ce n’était pas moi. Je me suis organisée avec des amis de tous les horizons, du Nouveau Parti démocratique, du Bloc québécois, du Parti conservateur, et j’ai gagné ma nomination, puis les élections. Tout au long de ma carrière, je me suis efforcée de composer avec ma réalité en tant que femme, et d’aller au-delà de la réalité des hommes. Et puis j’ai aussi compris toute l’importance de se soutenir entre femmes, de développer notre empowerment et d’ouvrir des portes aux jeunes femmes en politique.

Parlant de solidarité entre femmes, existe-t-il des mécanismes spécifiques d’entraide en politique, et comment peut-on faire émerger des alliances entre élues ?

Francine Ruest-Jutras : Un très bon exemple est celui de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), dont j’ai eu l’honneur d’être la première présidente. L’UMQ a créé, il y a plusieurs années, la Commission « Femmes et gouvernance », qui vise à « susciter des vocations », qui incite les femmes à s’engager en politique municipale et à apporter leur contribution à la vie démocratique. La Commission met de l’avant des initiatives pour favoriser la solidarité entre femmes et accompagner les élues. Elle travaille aussi avec différents partenaires comme le Secrétariat à la condition féminine ou le groupe Femmes, Politique et Démocratie, entre autres. La Commission est particulièrement active en période électorale et va à la rencontre de groupes de femmes pour augmenter leur nombre sur la scène municipale. J’ai eu l’occasion de participer à plusieurs de ces réunions. Cela crée un élan et donne des résultats. À la suite des élections municipales de 2021, 2 883 femmes ont été élues et près de 42 % des conseils municipaux sont paritaires. Pour sa part, le conseil d’administration de l’UMQ compte un nombre égal de femmes et d’hommes. Nous avons fait de grandes avancées, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.

Agnès Maltais : J’ai rencontré beaucoup de groupes qui s’organisent au niveau municipal, beaucoup moins à l’Assemblée nationale. Notre système parlementaire écrase les députés, et particulièrement les femmes. Pendant mes 20 ans à l’Assemblée nationale, j’ai vu se dégrader le rôle de député. Certes, on voit de plus en plus de femmes en politique, mais il faut aussi regarder les portefeuilles ministériels. Combien d’argent les femmes contrôlent-elles au gouvernement ? En vérité, le pouvoir se retrouve actuellement entre les mains d’à peu près quatre gars… Le parlementarisme est pris en otage par le bureau du premier ministre et ça ne laisse pas vraiment de place aux femmes. C’est un milieu très masculin. Si on ne trouve pas le moyen de casser ce mode de fonctionnement, cette situation va se perpétuer. Les femmes qui ont réussi à passer à travers, c’est parce qu’elles avaient des personnalités fortes et qu’elles se sont affirmées sur la place publique. Moi, j’ai eu la chance d’être dans un gouvernement où il y avait des Pauline Marois et des Louise Harel. Mais même là, c’était une bataille pour le pouvoir parce qu’il y avait une habitude masculiniste de rester entre copains… Pour changer les choses, il faut que les femmes soient plus présentes médiatiquement, qu’elles puissent faire avancer des idées en dehors des petits cercles de pouvoir. Les alliances de femmes, ça s’est fait au Québec et ça fonctionne. Je pense notamment à l’alliance entre Monique Gagnon-Tremblay (PLQ) qui était au pouvoir et qui s’est entendue avec Louise Harel (PQ) pour passer la Loi sur le patrimoine familial. Ça s’est fait rapidement, de façon à ce que les gars ne puissent pas la bloquer. Même chose quand Louise Harel est devenue ministre et qu’elle a passé la Loi sur l’égalité salariale. Monique Gagnon-Tremblay a fait alliance avec elle.

Manon Massé : On a travaillé fort pour qu’il y ait plus de femmes qui soient là, en politique. On y est arrivées au gouvernement du Québec et au gouvernement canadien. Mais ça ne suffit pas… On constate une concentration du pouvoir qui nous échappe encore une fois. Je pense qu’on peut déstabiliser ce monde-là quand on fait des choses ensemble, entre femmes. Lors de la dernière législature, ma collègue Christine Labrie (QS) a travaillé avec les femmes de plusieurs autres partis sur la question de la confiance des personnes victimes de violence sexuelle et de violence conjugale envers le système de justice. Ça a marché et ça a donné naissance à différents outils, dont un tribunal spécialisé. Ça a sûrement fonctionné parce qu’il y avait des femmes fortes au sein du gouvernement majoritaire. Il ne faut pas non plus oublier Véronique Hivon (PQ), qui a été la leader incontestée du travail transpartisan au Québec. En matière de solidarité, je pense aussi au Cercle des femmes qui, lors de ma première législature, se rencontrait plus ou moins une fois par mois. C’était un espace transpartisan, une sorte de lieu démocratique préservé, et j’y ai vécu de belles choses. On jasait, on réfléchissait, ça nous permettait de nous faire une idée sur différents sujets entre femmes féministes, sans avoir de décision à prendre. Aujourd’hui, ce genre d’espace n’existe plus vraiment au Parlement du Québec… Je m’ennuie de ce genre de démarche et je pense que ça mériterait qu’on s’y implique davantage, mais je laisse ça aux plus jeunes.

Marlene Jennings : Au fédéral, je ne sais pas si ça existe encore, mais les députées avaient mis sur pied un caucus libéral où on retrouvait les députées et les sénatrices du parti. On se rencontrait tous les mercredis. On avait accepté que quelques hommes se joignent à nous parce qu’ils étaient des porte-parole et des défenseurs du droit à l’égalité. On a aussi réussi à travailler avec les femmes des autres partis sur des sujets qui touchaient tout le monde et sur lesquels on partageait les mêmes valeurs, comme, par exemple, l’adoption du mariage civil pour les couples de même sexe.

Manon Massé a parlé de son « moment d’affirmation » médiatique en 2012. Agnès Maltais, vous avez également vécu un moment public, politique et personnel fort en 2003 quand vous avez publiquement déclaré être homosexuelle.

Agnès Maltais : J’ai été une première fois ministre entre 1998 et 2003. Beaucoup de gens me demandaient pourquoi je ne disais pas que j’étais gay. Je leur répondais : « Je l’ai déjà dit quand j’avais 18 ans… (rires). » En fait, je voulais bâtir ma personnalité politique avant de faire mon coming out. Je pense que les femmes ont intérêt à bâtir leur personnalité politique dès le départ, ça permet de résister à la frénésie médiatique. Une fois que j’ai été durablement installée dans ma circonscription, alors j’ai voulu déclarer que j’étais homosexuelle pour faire avancer la cause. À vrai dire, j’ai profité d’une occasion, le saccage d’un local LGBT à l’Université Laval. Je savais que ma sortie ne me nuirait pas aux prochaines élections, que je ne partirais pas avec un handicap. Quand les gens te connaissent et t’apprécient, alors leur jugement se fait sur ta personnalité politique, sur ta vision et non plus sur ton apparence ou sur ton image. Ma crainte était de laisser les médias diriger mon image et me catégoriser, comme ça a pu être le cas pour un autre député dont la voix a souvent été disqualifiée. À l’époque, il y avait un seul gars ouvertement gay à l’Assemblée nationale et aucune femme ne s’était ouvertement présentée comme étant homosexuelle. Je me souviens très bien du matin où c’est arrivé. C’était en première page du Journal de Québec : « Agnès Maltais avoue qu’elle est lesbienne. » Ma mère a pleuré en lisant le mot « avoue ». Elle m’a dit : « Tu n’as pas commis de crime… » Dans le corridor de l’Assemblée nationale, Louise Harel m’a prise dans ses bras et m’a dit : « Je suis fière de toi et de mon parti. » Cela m’a fait chaud au coeur. Un adversaire politique, Jacques Dupuis, m’a rassurée sur la réaction de son parti. Cette journée-là, j’ai donné des entrevues à tout le monde. Après ça, j’ai refusé toute entrevue sur le sujet, sauf si c’était pour faire avancer la question des jeunes, particulièrement en région, et de l’acceptabilité de l’homosexualité. Ça me permettait d’avoir une véritable contribution, d’ouvrir un sujet de société et de ne pas rester cantonnée dans ma différence. Je pense que ça a permis d’ouvrir une porte. Puis quand Manon est arrivée, elle a défoncé cette porte avec sa personnalité unique et forte.

Vous avez abordé les avancées pour la représentation des femmes et de différents groupes minoritaires en politique. Pourquoi est-il important que les personnes élues reflètent toute la complexité, les diversités et les identités de la population ?

Marlene Jennings : J’ai toujours cru que c’était important d’avoir autant de diversité au sein de la classe politique que dans la société. Si vous me regardez, par exemple, je suis une femme québécoise, anglophone, noire, hétérosexuelle, je suis une mère, une soeur, une amie, une collègue. Toutes ces dimensions me définissent. Et selon le sujet ou le contexte, c’est peut-être une ou deux de ces dimensions qui vont davantage ressortir. Je vais ainsi être interpellée sur certaines questions et mobiliser mon expérience pour m’assurer que les services et les institutions répondent aux demandes de tout le monde. Quand je suis arrivée en 1997, c’est clair que le gouvernement de l’époque a voulu me catégoriser en tant que femme noire. Ils pensaient que j’allais vouloir travailler sur le multiculturalisme et la justice ; il était évident pour eux que je devais lutter pour la justice sociale, contre les discriminations raciales et pour le développement social… Oui, ça m’intéressait, mais moi, ce que je voulais, c’était l’industrie, les sciences et la technologie ! Ça correspondait aux intérêts de ma circonscription et, en même temps, ça me permettait de m’assurer qu’il n’y avait pas d’angle mort pour les femmes, les aînés, les jeunes, les minorités visibles, etc. dans ce secteur-là.

Manon Massé : Je suis tout à fait d’accord. L’intelligence collective, ça se construit à partir des expériences que l’on vit. Ces expériences sont composées de nos identités, de notre formation, de nos lectures, de nos relations avec les autres. On a besoin de cette diversité dans le milieu politique pour s’assurer de ne pas avoir d’angle mort, comme tu le dis, Marlene. C’est ça que je reproche au boys club. Quand les boys se ramassent ensemble, ils partagent leurs propres expériences de vie, dans des milieux souvent très restreints. Et alors, ça crée plein d’angles morts. C’est ma plus grande fierté que d’avoir été assez têtue pour représenter les gens de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais aussi d’avoir réussi à relever le défi en tant que personne marginale, qui répond pas aux standards, qui a une moustache, qui est différente des autres dans son expression de genre, qui est allée au débat des chefs… Ça m’a permis de dire à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, aux gens comme moi, qu’on a notre place en politique.

Kateri Champagne Jourdain : Quand j’ai fait le saut en politique, j’ai vraiment réfléchi à ce que je pouvais apporter. Je crois que les décideurs ont besoin de connaître et d’entendre les réalités vécues sur le terrain pour bien faire leur travail. On a donc besoin de personnes qui peuvent transmettre ces réalités-là. Je pense, pour ma part, que c’est aussi ça que je communique, un vécu des réalités autochtones. D’un autre côté, je peux comprendre aussi la crainte qu’on peut avoir d’être étiquetée. En même temps, ce que je suis, ce que je porte en moi, je le porte fièrement. Durant la campagne électorale, le fait que je sois issue d’une communauté autochtone a évidemment été souligné, mais on a aussi mis de l’avant mes compétences, mon expérience en matière de développement économique, ma capacité à créer des ponts, mes connaissances de l’économie régionale de la Côte-Nord… C’était important pour moi ! Maintenant, au Conseil des ministres, j’ai cette chance de pouvoir sensibiliser mes collègues à des réalités qu’ils ne vivent pas nécessairement, et de partager mon bagage de vie avec eux. Oui, mon passage en politique brise un plafond de verre, ouvre un sentier… En fait, on m’a déjà dit que ce que j’étais en train de faire, c’était le travail d’éclaireur. Ce qu’il faut comprendre par là, c’est que quand les Innus vivaient du portage, il y avait toujours un éclaireur pour ouvrir la voie et une personne pour laisser une trace à l’arrière du groupe. Et c’est un grand compliment, une grande responsabilité, de se faire dire ça. Ce que j’espère, c’est qu’il y aura d’autres Autochtones qui seront là pour laisser ces traces dans les années à venir et pour bâtir la société que l’on veut pour le Québec. Il est souvent dit que c’est une fierté d’avoir, au salon Bleu, une personne autochtone, mais c’est aussi important de souligner qu’on aurait même pu en avoir plus, parce que neuf candidats autochtones se sont présentés en 2022. C’est du jamais vu ! C’est vous dire que les Autochtones ont envie de participer à cette société-là. C’est impératif pour construire une société qui reflète toute notre richesse et toute notre diversité. Je pense aussi aux communautés LGBTQ+, aux communautés immigrantes et autres groupes sous représentés… C’est important d’aspirer à ce que tous soient représentés à nos tables de décision.

Francine Ruest Jutras : Moi, je n’ai pas vécu les mêmes défis qu’Agnès, Manon, Marlene et Kateri. Je suis une femme blanche, hétérosexuelle, mariée, qui a quatre enfants, alors on pourrait dire que j’ai un profil plutôt « standard » ! Il n’empêche que tout au long de mon parcours d’élue et dans les différents postes que j’ai occupés, j’ai rencontré des défis en tant que femme. Par ailleurs, je me suis toujours dit : « C’est ma chaise, j’ai été élue, je suis à ma place. » Oui, je représentais les femmes, je m’impliquais pour qu’il y en ait davantage, mais comme mairesse, je représentais l’ensemble de la population dans toute sa diversité. Je voulais que tout le monde se reconnaisse dans mon discours et mes actions. C’était fondamental, parce qu’une ville, ça se construit à plusieurs, avec et pour tous.

Agnès Maltais : Je pense que ce n’est pas seulement le regard des personnes élues sur les politiques qui est important. Pour le bien de la démocratie, il faut aussi que la population ait le sentiment de se sentir représentée, qu’elle existe dans nos assemblées. On sait qu’un des grands problèmes actuels en démocratie, c’est la relation de confiance. C’est essentiel de préserver la confiance dans les institutions et dans les gens qui représentent ces institutions. Je me demande ce que ça a été pour les femmes racisées avant que Yolande James (PLQ) ne soit élue à l’Assemblée nationale du Québec, ou avant toi, Marlene, au Parlement du Canada. Non seulement il faut qu’on sente que les personnes élues vont parler en notre nom, mais il faut aussi qu’on ait confiance qu’elles vont bien comprendre notre société dans son ensemble. Quand tu es différente, ce qui est intéressant, c’est que tu représentes un petit cercle de personnes qui te ressemblent, tu revendiques une certaine particularité, mais que tu représentes tout le monde en même temps, comme tu le dis, Francine. C’est un équilibre qui n’est pas toujours simple à trouver.

Marlene Jennings : C’est vrai que ce n’est pas toujours évident, notamment avec le système parlementaire britannique dans lequel nous vivons. Personnellement, j’aime le modèle du scrutin proportionnel qui permet de représenter plus fidèlement la diversité de la population. Mais quand j’observe son application dans d’autres pays, ça me fait parfois un peu peur. On y voit une multiplication des partis qui force parfois des alliances complexes pour pouvoir gouverner. Certains s’allient même avec des extrêmes… Nous devrions avoir ce débat de société. Jusqu’à présent, tous les partis qui, en période électorale, ont proposé une réforme de notre mode de scrutin ont mis ces projets aux poubelles une fois arrivés au pouvoir. Il faut avoir le courage de tenir des débats et des consultations publiques sur la question pour que tout le monde comprenne vraiment les points forts et les points faibles des différents modes de scrutin et que l’on puisse construire nous-mêmes notre propre modèle.

Manon Massé : Le mode de scrutin dont on a hérité de la monarchie britannique est antidémocratique. La composition actuelle du Parlement du Québec en est un exemple évident. Le fait que 43 % des votes donnent 70 % des sièges, ça ne marche pas… C’est pour ça que je suis une grande fervente de la réforme du mode de scrutin. Mais faut aussi aller plus loin dans la réflexion, parce qu’ultimement, au-delà du modèle, on vit dans un monde patriarcal et hétéronormatif. T’as beau présenter des femmes, des femmes racisées, les présenter dans des circonscriptions gagnables, en bout de ligne, c’est le vote citoyen qui fait que la personne est élue ou non. Je dois vous avouer, les filles, que ça m’a fait mal, la dernière élection. À Québec solidaire, on avait vraiment fait nos devoirs, comme toujours, on avait présenté au moins 50 % de femmes. Seulement quatre ont été élues, contre huit hommes. En bout de ligne, c’est aussi ça, la démocratie…

Plusieurs femmes ont été nommées durant cette entrevue. Lise Bacon, Françoise David, Monique Gagnon-Tremblay, Louise Harel, Véronique Hivon, Yolande James, Christine Labrie, Pauline Marois ou encore Lise Payette. Elles ont été des modèles pour vous, comme vous l’êtes en tant que pionnières dans le monde politique. Maintenant, tournons-nous vers l’avenir. Si vous aviez une personnalité d’avenir à mettre de l’avant, ce serait qui ?

Manon Massé : Intuitivement, je pense à Florence Gagnon. Elle n’est malheureusement pas très connue du grand public, mais elle joue un rôle important auprès de la nouvelle génération de lesbiennes. C’est un modèle pour moi et au sein de notre communauté en matière de défense des droits et de développement entrepreneurial. Elle a la trentaine, elle se tient debout drette, et elle veut prendre soin du monde. Et ça, ça ressemble au modèle que j’aime.

Francine Ruest-Jutras : Je n’ai pas vraiment de nom à donner, mais plutôt un profil à valoriser. Je crois que nous avons besoin d’individus qui font de la politique pour les idées, qui ont des convictions, qui sont capables de rassembler et d’innover. Des personnes responsables, imputables, intègres. On a parlé de l’importance de préserver la confiance des gens par rapport à la politique, et je pense que ce genre de profil participe à créer la confiance. Et puis, je chercherais évidemment une femme d’abord comme modèle d’avenir.

Marlene Jennings : Ces dernières années, j’ai observé deux femmes pour qui j’ai beaucoup d’admiration. Il y a la mairesse de l’arrondissement Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce à Montréal, Gracia Kasoki Katahwa (Projet Montréal). J’ai eu le privilège de la rencontrer à plusieurs reprises depuis son élection et de la voir aller. C’est une véritable étoile montante ! Et puis il y a Chrystia Freeland. On ne s’est jamais rencontrées, mais je trouve que devenir vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, dans le contexte difficile que nous connaissons globalement, est admirable. J’espère qu’elle ne se présentera pas à la chefferie du PLC parce que je pense que son avenir est beaucoup plus grand que cela…

Agnès Maltais : C’est une question très difficile et très sérieuse parce que j’ai encore des préoccupations partisanes, je suis encore engagée politiquement. Évidemment, il y a des gens que j’admire, mais on a encore de l’influence, étonnamment…

Kateri Champagne Jourdain : Toutes ces femmes sont des modèles inspirants ! Celle qui a toujours été une source d’inspiration et qui l’est encore à ce jour, qui a certainement été un modèle politique pour moi, c’est ma grand-mère paternelle, Blandine Jourdain. Née en 1906, elle avait eu la chance d’avoir une éducation lui permettant de lire la musique, de savoir écrire et de compter. À cette époque, c’était quand même assez rare. Elle est devenue veuve avec 14 enfants quand mon grand-père est décédé dans des conditions tragiques. L’époque était très difficile, très précaire. On naviguait entre le mode de vie traditionnel et l’instauration du système des réserves. Pour subvenir aux besoins de sa famille, elle est devenue entrepreneure, probablement la première de la communauté. C’est aussi une femme qui a accompagné les premiers chefs de l’époque dans l’écriture de lettres qui ont été envoyées à Ottawa pour s’affirmer, revendiquer des droits, construire des relations entre Autochtones et allochtones. Son histoire n’est pas étrangère à mon parcours politique. Maintenant, si on se tourne vers l’avenir, je garde assurément un oeil sur l’Innue Tanya Sirois, la directrice du Regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec. C’est une femme qui connaît très bien les réalités autochtones, notamment de celles et ceux vivant en milieu urbain. Elle sait convaincre, elle aborde des enjeux difficiles en proposant des solutions, en travaillant sur des ententes avec les différents paliers gouvernementaux. Elle travaille agilement à bâtir un futur constructif pour les Premières Nations et les Inuits, et pour le Québec.

1. Voir notamment : Entretien avec Anaïs Barbeau-Lavalette, Françoise David, Myriam Lapointe-Gagnon et Laure Waridel, « Du pain, des roses et des forêts. Porter les grandes luttes féministes et écologistes d’une même voix » dans : L’Institut du Nouveau Monde (2022), L’état du Québec 2023. Urgence climatique : Agir sur tous les fronts, Montréal, Somme toute/Le Devoir.

2. Judith Lussier. « Manon Massé : Par-delà la moustache », Urbania, 7 août 2012.