L’état du Québec 2021 | La relance sous l’angle des prochaines générations

RÊVER MAINTENANT, CRÉER DEMAIN

  • David Goudreault

    Auteur et porte-parole de la démarche Rêver pour créer

Ce texte est issu la publication annuelle de l’INM, L’état du Québec 2021publiée chez Del Busso Éditeur.

Un défi, d’abord : trouver des idées originales auprès de jeunes et presque jeunes du Québec. Un espoir, ensuite : voir ces rêves prendre vie, se matérialiser et se concrétiser. Que nos rêves ne soient pas vains, qu’ils nous permettent de créer, comme l’écrivait le poète Octavio Paz : « Il faut rêver avec les mains. » Voilà l’objectif de la démarche Rêver pour créer, qui a comme but suprême de dessiner le Québec dont rêvent les jeunes pour 2040, et de mettre l’épaule à la roue pour tendre vers cet idéal. 

De tous les rêves soumis à l’occasion de Rêver pour créer devra émerger du concret, sinon tout le monde perd son temps. L’expression consacrée le proclame : c’est l’fun de faire ça, mais on fait pas ça pour le fun. Voilà pourquoi il faudra présenter ces rêves à l’ensemble de la population québécoise, les diffuser par des oeuvres d’art, des rapports officiels, les faire percoler jusqu’aux décideuses et décideurs politiques, aux gens d’affaires et autres mécènes.

Il nous faudra mobiliser de grands efforts de communication. Comme l’écrit Daphné, 17 ans, de Granby : Je rêve d’un monde qui se respecte. Je veux que les personnes se respectent entre elles, donc qu’il n’y ait plus du tout de discrimination. La violence n’a pas sa place dans la vie. Je veux aussi que la planète se fasse respecter, car c’est où on vit et c’est très important. Si le monde entier est pollué, on ne peut pas vivre en santé ; cela peut affecter notre mental également. Le respect et l’égalité sont les deux sources du bonheur les plus importantes, [qu’]on doit mettre de l’avant à partir de maintenant dans notre société. La communication est la clé, pas la violence.

Chez plusieurs jeunes, les rêves sont résolument ancrés dans le présent et requièrent une action concrète. Il en va ainsi pour Mathieu, 20 ans, de Montréal : Que la ville améliore le service de transport adapté pour faciliter les déplacements de personnes en situation de handicap.

Aucune restriction ni aucune balise ne sont imposées ; on trouve des voeux qui résonnent comme d’inévitables clichés, malgré leur importance et leur pertinence. Cependant, on découvre aussi de véritables perles de réflexion provenant de tous les groupes d’âge.

Avant de vous dévoiler un plus large éventail des rêves récoltés jusqu’à maintenant, il importe d’expliquer l’origine de cette démarche toujours en cours. L’INM en a eu l’idée, et il reçoit l’appui inestimable de la Fondation Lucie et André Chagnon pour la réaliser.

Il serait superflu d’expliquer ce qu’est l’INM, dont vous lisez actuellement l’édition de L’état du Québec marquant son 25e anniversaire.

Je voudrais toutefois souligner la raison d’être de la Fondation Lucie et André Chagnon : contribuer à la prévention de la pauvreté en contribuant au développement du plein potentiel des jeunes vivant au Québec. Cette mission, qui anime une des plus importantes organisations philanthropiques au Canada et en soutien à la société québécoise, s’exprime par une foule d’actions soutenues tant sur le plan financier que sur le plan organisationnel. À ma connaissance, aucun musée ou institution publique n’affiche le nom de la Fondation, qui, au lieu d’inscrire sa marque dans le béton, se révèle plutôt dans la réussite de milliers de jeunes pour qui les rêves d’avenir étaient un luxe défendu.

Revenons à Rêver pour créer. Qui peut participer ? Tout le monde… On s’adresse surtout aux jeunes, qu’ils aient 8 ou 88 ans. Comment participer ? Tous les gars et les filles, mais aussi les familles, le corps enseignant et les organismes du Québec peuvent communiquer leurs rêves sous forme de dessins, de textes, de vidéos, d’enregistrements audio ou de photos sur le site reverpourcreer.ca. Parfois, une courte phrase suffit pour exprimer un rêve.

Sur cette même plateforme, on trouve une variété d’informations, notamment une bande dessinée pour aider à réaliser une activité de récolte de rêves en famille, en classe ou avec un groupe.

En plus d’une vingtaine d’organisations qui, par leur partenariat, soutiennent Rêver pour créer et contribuent à son succès, deux personnalités exceptionnelles se joignent à moi et s’impliquent activement dans divers événements auprès des jeunes : la chanteuse La Bronze et le b-boy Luca « Lazylegz » Patuelli.

Pour en connaître plus sur les rêves, téléchargez le Rapport officiel des rêves.

Téléchargez le rapport

Le 28 février 2020, c’est le moment qui a été choisi pour lancer officiellement le projet Rêver pour créer. Dans les jours suivants, la pandémie s’est répandue, avec le confinement comme première conséquence. Malgré l’enthousiasme de notre ambassadrice, de nos ambassadeurs et de nos bénévoles, la COVID-19 a bouleversé notre programme d’activités, dix-neuf fois plutôt qu’une. Grâce, entre autres, à la magie du Web et à l’engagement indéfectible des personnes porteuses de la démarche, nous avons quand même pu joindre un nombre considérable de participantes et de participants, suffisamment pour qu’il vaille la peine de poursuivre notre quête de rêves. Aux nombreux rêves de guérison du cancer s’ajoute maintenant l’espoir d’un vaccin contre ce coronavirus.

Mais à quoi rêvent donc nos jeunes en 2020 ? Quels sont leurs ambitions, leurs espoirs, leurs buts dans la vie ? Que retrouve-t-on comme première préoccupation et sujet suscitant le plus de rêves ? Aurai-je la job que je convoite, ou un rendez-vous avec Marie-Mai ? Non. Connaîtrai-je bientôt mon grand amour ? Ben non ! Beaucoup d’entre vous l’auront sûrement deviné, le plus grand nombre de rêves, et de loin, concerne la protection de l’environnement. Le passage de Greta Thunberg à Montréal, en septembre 2019, n’a pas qu’engendré la plus importante manifestation qu’ait connue la métropole, il a mobilisé des dizaines de milliers de jeunes et de moins jeunes pour la poursuite d’un objectif commun : sauver la planète.

C’est ainsi que, pour Claude, 79 ans, de Châteauguay, cet objectif s’avère [u]n projet fondamental auquel j’essaie d’apporter une contribution à mon niveau, alors que pour Vincent, 11 ans, de Rouyn-Noranda, il faut [a]rrêter de détruire la forêt boréale ! J’aimerais que, en 2040, nous ne détruisions plus la forêt boréale […] Pour y arriver, nous pourrions utiliser des bouteilles de plastique pour faire les murs des maisons. Nous pourrions aussi faire des meubles en acier. À la place de faire des feuilles de papier, nous pourrions fabriquer des feuilles de papyrus. Grâce à ce projet, nous aiderions la nature à reconstruire ce que nous avons détruit. Tout un programme !

En second, tout juste après l’environnement, se trouve la lutte àla discrimination sous toutes ses formes : racisme, homophobie, sexisme, entre autres fléaux. Éléa, 12 ans, de Montréal, l’exprime de façon succincte et claire : Accepter toutes les différences au Québec. Alors qu’Antoine, 18 ans, de Saint-Thomas, souhaite [u]n monde où il n’y a plus d’homophobie et de racis[me] pour que les personnes gaies et de couleur n’aient plus peur de se faire frapper.

La solidarité, le partage de la richesse, l’accès àl’éducation interpellent nombre de nos participantes et participants. Allez jeter un coup d’oeil sur le site Rêver pour créer : vous serez renversé par leur générosité et leur altruisme. 

J’ai également été surpris par l’absence quasi totale de rêves de gloire ou de fortune. Faut croire que les concurrentes et concurrents d’Occupation double n’ont pas voulu nous faire part de leur désir de reconnaissance immédiate du public. Et force est d’admettre que la poursuite de la richesse ne préoccupe pas les jeunes ; du moins, aucun de nos participants n’a exprimé le souhait de devenir milliardaire.

Notre récolte de rêves nous a réservé une autre agréable surprise, soit le nombre élevé de personnes issues de tous les groupes d’âge. Prendre la peine de rédiger, puis de transmettre ses rêves témoigne d’une belle générosité quand on appartient àce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler le bel âge.

La lecture des rêves de nos plus ou moins jeunes m’inspire une réelle confiance dans l’avenir du Québec pour les prochaines décennies. Leur générosité, leur désir de justice sociale et leur profond souci de l’environnement m’autorisent àcroire àun Québec meilleur en 2040.

À court terme cependant, la route de la relance est jonchée d’écueils. Peu importe l’ingéniosité dont la population québécoise sait faire preuve, tant que la COVID-19 n’aura pas été jugulée, on est pour la plupart, au mieux, condamnés àfaire du surplace ; au pire, àse battre bec et ongles pour survivre. Difficile de se mobiliser, d’agir collectivement dans de telles conditions, mais pas impossible. 

Pour la majorité de mes camarades et des promoteurs des arts de la scène, la situation est catastrophique. Malgré les invitations àse réinventer et les prestations sur le Web, rares sont les artistes qui échappent àl’angoisse du lendemain. Et je pense que la situation n’est guère plus rose dans le monde de la restauration, entre autres secteurs fortement touchés.

Pourtant, j’ai confiance qu’àmoyen terme, le Québec saura tirer son épingle du jeu grâce àun atout qui l’a toujours bien servi : l’hydroélectricité. Même si l’Ontario choisit de réno-ver ses centrales nucléaires vieillissantes au lieu d’acheter de l’électricité d’Hydro-Québec, même si certains États de la Nouvelle-Angleterre s’opposent au passage de nouvelles lignes àhaute tension, la pression populaire pour une énergie propre et sans risque saura convaincre les personnes les plus réticentes.

D’autres avenues permettent de croire en un avenir meilleur pour le Québec, àcondition de créer les conditions favorables. Avant tout, l’augmentation du taux de diplomation importe plus que jamais. Encore une fois, arrêtons de considérer l’éducation comme une dépense et voyons-y plutôt un investissement nécessaire ànotre développement.

Autre élément majeur de notre épanouissement : l’immigration, qui constitue une véritable locomotive pour l’économie et la vie sociale du Québec. Oublions la partisanerie politique et faisons front commun pour obtenir les pleins pouvoirs en cette matière.

D’un tout autre point de vue, je rêve de voir le Québec profiter d’un meilleur accès au microcrédit. À mon humble avis, le capital de risque est déjàabondant pour les PME et les grandes entreprises, faisons en sorte qu’il le devienne pour les nouvelles entrepreneures et nouveaux entrepreneurs aux idées neuves. Même les plus jeunes ! 

Avec Rêver pour créer, de nombreuses suggestions surgiront pour améliorer l’avenir du Québec. Ayons la curiosité d’y plonger et l’intelligence de s’en inspirer.